Dans le secteur minier, la géostatistique est une discipline omniprésente. Elle intervient dès les premières étapes d’un projet pour l’estimation des ressources et l’évaluation de la faisabilité économique. Mais son rôle ne s’arrête pas là ! En phase d’exploitation, elle guide le tri quotidien du minerai, aidant à décider quels matériaux envoyer à l’usine de traitement et lesquels sont considérés comme des stériles, le tout basé sur les données les plus récentes.
Principaux domaines d’application dans le secteur minier¶
On note plusieurs domaines où la géostatistique est utile dans le secteur minier :
Planification minière et séquençage d’exploitation :
Définir les zones et la séquence optimale d’extraction est un véritable casse-tête. La géostatistique aide à résoudre ce puzzle en tenant compte des ressources, des objectifs de production, et de multiples contraintes (économiques, techniques, environnementales). L’objectif est de maximiser la rentabilité tout en gérant les risques et les impacts.Évaluation économique des scénarios :
Elle permet d’analyser et de comparer différents scénarios d’exploitation pour évaluer leur rentabilité, en intégrant les coûts, les revenus potentiels et les risques associés. C’est l’art de choisir le chemin le plus prometteur.Détermination des contours d’une fosse optimale :
Il s’agit de définir la géométrie exacte des limites d’extraction. La géostatistique optimise le volume exploitable tout en minimisant les coûts. Un équilibre parfait !Analyse et homogénéisation de la variabilité du minerai :
La variabilité des teneurs peut créer des maux de tête à l’usine. La géostatistique étudie cette variabilité pour uniformiser la qualité du minerai extrait, améliorant ainsi l’efficacité des concentrateurs et la stabilité des processus de traitement.
Un intérêt croissant pour la restauration minière¶
Récemment, l’utilisation de la géostatistique pour optimiser la conception et la construction des haldes à stériles et des parcs à résidus, dans le cadre de la restauration des sites miniers, suscite un intérêt croissant. Ce domaine de recherche, encore émergent, présente des applications très prometteuses pour un avenir plus durable. Ces travaux de pointe sont actuellement menés à Polytechnique Montréal, au sein de l’Institut de recherche en mines et environnement (IRME)[1]. 🎓
Au-delà des mines : la portée de la géostatistique¶
Bien que née de l’industrie minière, la géostatistique est un outil incroyablement polyvalent. Elle s’est imposée dans de nombreux domaines scientifiques et d’ingénierie grâce à sa capacité à analyser et modéliser des phénomènes spatialement corrélés. Voici quelques-unes de ses applications clés :
Caractérisation du sous-sol (Géotechnique et Hydrogéologie)¶
En géotechnique et en hydrogéologie, la géostatistique permet de modéliser en 2D ou 3D la géologie du sous-sol. Elle estime non seulement la localisation des différentes unités lithologiques, mais aussi leurs propriétés mécaniques et hydrogéologiques associées. Ces propriétés sont rarement homogènes ; elles sont souvent hétérogènes avec une structure spatiale complexe. Cette approche, souvent appelée modélisation de faciès, offre une compréhension plus rigoureuse et cohérente du sous-sol que les méthodes empiriques classiques, même lorsque les données disponibles sont limitées[2].
Analyse des discontinuités (Géomécanique)¶
La géomécanique bénéficie grandement de la géostatistique, notamment pour la modélisation des réseaux de fractures. Elle aide à estimer et à cartographier la densité, l’orientation, la connectivité, l’ouverture et la rugosité de ces fractures à partir de forages, d’imagerie ou de relevés géophysiques. Cette analyse est cruciale pour évaluer la stabilité des pentes, comprendre les écoulements d’eau souterrains et choisir la méthode de modélisation la plus appropriée pour ces discontinuités[3].
Évaluation environnementale¶
En sciences de l’environnement, la géostatistique joue un rôle clé pour cartographier la distribution des polluants dans les sols, l’eau ou l’air. Grâce à ces cartes précises, on peut mieux évaluer les risques pour la santé humaine et les écosystèmes, et décider quand et où intervenir pour dépolluer et protéger notre environnement.
Optimisation agricole (Science des sols / Agriculture de précision)¶
L’agriculture de précision s’appuie sur la géostatistique pour des applications récentes comme la cartographie des nutriments (azote, phosphore, potassium, etc.) et d’indicateurs de santé des sols comme la conductivité électrique. Ces cartes détaillées permettent aux agriculteurs de moduler finement les apports en engrais et en eau selon les besoins spécifiques de chaque zone du champ, optimisant ainsi les rendements, réduisant le gaspillage et améliorant la gestion durable des sols.
Prévision spatio-temporelle (Météorologie et Climatologie)¶
La météorologie et la climatologie utilisent la géostatistique pour la prévision de variables telles que la température, les précipitations, ou des phénomènes connexes comme les pluies acides, à partir de données d’observation ponctuelles. Elle permet de transformer des relevés isolés en cartes continues et prédictives, essentielles pour comprendre et anticiper les dynamiques climatiques[4].
Cartographie des risques sanitaires (Santé publique)¶
En santé publique, la géostatistique est de plus en plus utilisée pour modéliser la répartition spatiale de contaminants environnementaux et leur lien avec des indicateurs sanitaires, comme les taux d’incidence de certaines maladies. Cela aide à identifier les zones à risque et à orienter les actions de prévention et d’intervention sanitaire.
Une discipline transversale¶
La liste des applications est encore longue ! On retrouve la géostatistique dans l’étude des gisements pétroliers, la résolution de problèmes inverses en géophysique, la cartographie assistée, la classification des sols, l’analyse d’images, et bien d’autres domaines.
La seule condition ? Disposer de coordonnées spatiales ou temporelles et de valeurs observées.
Dans tous ces contextes, l’objectif est le même : caractériser un phénomène en se basant sur des données collectées en un nombre d’observation.
Les méthodes géostatistiques permettent alors de produire des cartes de prédiction accompagnées de mesures d’incertitude. Cela nous aide à mieux comprendre le phénomène et à prendre des décisions éclairées, qu’elles soient opérationnelles, environnementales ou économiques.
Je suis collaborateur sur un projet dirigé par le professeur Nelson Morales (génie minier), où nous intégrons le modèle de blocs obtenu par géostatistique pour optimiser la conception et la construction des haldes à stériles, dans le but de limiter le drainage neutre contaminé. L’approche est couplée à des modélisations hydrogéochimiques menées par les professeurs Maria Prieto (génie géologique), Benoît Plante (Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue), ainsi que la chercheuse Karine Sylvain de l’IRME–Polytechnique Montréal. Ce projet illustre bien à quel point la géostatistique est une discipline profondément multidisciplinaire.
Il s’agit d’un de mes axes de recherche principaux. Actuellement, je me concentre sur la modélisation complète des unités meubles du sous-sol québécois à partir d’une base de données contenant plus de 300 000 forages géotechniques. Notre objectif est d’estimer de manière adéquate le sous-sol québécois afin d’optimiser la planification des campagnes géotechniques. Ces approches sont couplées avec des méthodes d’intelligence artificielle pour tirer pleinement parti des données disponibles.
Avec les professeurs Pedro Cacciari (génie géologique) et Maria Prieto (génie géologique), nous nous intéressons à l’impact de la non-stationnarité sur la densité des réseaux de fractures. Nous essayons d’évaluer son influence sur la stabilité géotechnique des massifs rocheux ainsi que sur le transport de contaminants. Je pilote le volet géostatistique, Pedro la géomécanique et Maria l’hydrogéochimie.
Mes travaux en théorie fondamentale portent sur la modélisation de champs spatiaux asymétriques par des méthodes directes et inverses. Avec mes collègues de l’Université de Stuttgart et de l’Université du Queensland, nous développons de nouvelles méthodes de simulation géostatistique afin de mieux prendre en compte les phénomènes spatiaux asymétriques, particulièrement présents en météorologie, notamment dans l’étude des champs de précipitations.