Le krigeage, que nous avons étudié précédemment, est une méthode d’estimation spatiale qui exploite la continuité spatiale d’une seule variable. Cependant, dans de nombreuses applications, plusieurs variables sont mesurées simultanément, parfois aux mêmes emplacements, parfois non. Ces variables sont souvent corrélées entre elles et cette corrélation peut être exploitée pour améliorer la qualité des estimations.
Le cokrigeage est une généralisation naturelle du krigeage à plusieurs variables. Il permet d’utiliser l’information disponible sur une ou plusieurs variables secondaires, en plus de la variable principale d’intérêt, pour fournir une estimation plus précise. Cette méthode s’appuie sur les variogrammes et covariances croisées entre variables et requiert la résolution d’un système plus complexe, mais plus riche en information.
Ce chapitre présente les principes fondamentaux du cokrigeage, les formulations ordinaire et simple, ainsi que les conditions nécessaires pour garantir un estimateur sans biais et de variance minimale.
Dans le cadre du cokrigeage, l’estimateur linéaire de la variable principale Z est construit à partir des observations de Z et des variables secondaires Y. La variance de l’erreur d’estimation, ou variance d’estimation, mesure l’incertitude associée à cette estimation.
Soit Z^(x0) l’estimation de Z au point x0, donnée par :
Cette expression met en évidence le rôle des covariances croisées entre les variables ainsi que des covariances intra-variables dans la détermination de la précision de l’estimation.
L’optimisation des poids λiZ et λjY sous les contraintes de non-biais conduit au système de cokrigeage ordinaire.
On cherche à construire une estimation linéaire de la variable principale Z à partir des observations des variables principale et secondaire (Z et Y) :
On forme le Lagrangien en introduisant deux multiplicateurs de Lagrange μ et ν pour tenir compte des contraintes de non-biais, et on dérive par rapport aux poids λi,γj et aux multiplicateurs. Cela donne le système de cokrigeage ordinaire suivant :
où K est la matrice des covariances entre toutes les observations (variables principale et secondaire), λ le vecteur des poids associés aux observations, et k le vecteur des covariances entre le point à estimer et les observations.
Note : Pour pouvoir effectuer un cokrigeage ordinaire, il faut au minimum une observation de la variable principale et deux observations de la variable secondaire.
Si les moyennes des variables mZ et mY sont connues, on peut centrer les données et travailler directement sur les résidus. On estime alors un résidu en x0 auquel on ajoute la moyenne mZ. Les contraintes de non-biais ne sont plus nécessaires.
Note : Contrairement au cokrigeage ordinaire, on peut ici réaliser une estimation même sans observations de la variable principale, à condition d’avoir au moins une observation de la variable secondaire. Si aucune observation de la variable secondaire n’est disponible, il ne s’agit plus de cokrigeage mais simplement de krigeage.
Si une seule des deux variables a une moyenne connue, on applique alors un système de cokrigeage ordinaire avec une seule contrainte de non-biais sur la variable dont la moyenne est inconnue.